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Inauguration sculpture [Re]connaissances Barbezieux
L'APP de Barbezieux met en mouvement tout un territoire pour le projet [Re]connaissances
13/12/2021

[Re]connaissances est la réponse du réseau APP à l’appel à projet du programme national « 100% inclusion : la fabrique de la remobilisation » du Plan d'investissement dans les compétences (PIC) porté par le ministère du Travail. Sur quatre territoires, les équipes de six centres de formation labellisés APP inventent avec leurs partenaires de nouvelles façon de travailler pour proposer à des publics particulièrement éloignés de la formation et de l’emploi des parcours souples, sans rupture.

(Cet article a été publié sur LinkedIn le 13 décembre 2021.)

L’APP de Barbezieux (Nouvelle-Aquitaine), porté par l’Association Accueil Information Sud Charente (AAISC) accompagne des personnes en formation, en insertion ainsi que des jeunes en parcours à la mission locale pour reprendre confiance en soi, nouer des liens, accéder ses droits et aux services publics, se former et se remobiliser vers l’emploi. Sur ce territoire en zone de revitalisation rurale, l’APP s’appuie sur des partenariats renforcés avec d’autres acteurs pour lever les freins des personnes. Ces parcours, déterminés par les besoins et les envies des bénéficiaires, sont atypiques.

Structurant [Re]connaissances sur le territoire, un événement artistique d’ampleur est prévu pour le printemps 2022 et sert tout à la fois de situation pédagogique et de célébration de la citoyenneté et de la culture. Il s’agit d’un symposium, dédié aux métiers de l’artisanat, et organisé par les bénéficiaires du projet parmi lesquels des personnes en formation à l’APP, des publics en insertion et des jeunes suivis par la Mission locale. L’objectif sera de faire rayonner l’artisanat, ses dimensions économiques et artistiques, sur ce territoire où l’adéquation entre les métiers en tension et une main d’œuvre qualifiée est de plus en plus ardue. Vous pouvez retrouver toutes les informations sur le premier symposium de l'artisanat du Sud-Charente sur le site de l'AAISC.

« Partenariat » est un mot-clé de l'organisation du symposium comme du projet [Re]connaissances. La dynamique enclenchée à l'échelle des bénéficiaires, invité·es à participer à des activités et à mener des projets porteurs de sens, en allant à la découverte des autres et des milieux associatifs et professionnels, vaut aussi à l'échelle plus large du territoire. Le but est de créer du lien et de pérenniser des habitudes de travail entre les acteurs de l'accompagnement et de la formation : APP, CFA (centre de formation d’apprentis), CMA (chambre des métiers et de l’artisanat), prescripteurs et orienteurs, élu·es, établissements scolaires, associations de commerçants, d'artisans, etc.

Pour l'organisation du symposium qui rassemblera les artisans du sud Charente, la réunion du groupe d'apprenantes de l'APP de Barbezieux bat son plein, animée par Isabelle Nau et Aurélie Baudry, respectivement directrice et formatrice à l'AAISC.

À l'ordre du jour, l'appel à candidature pour sélectionner la commune qui accueillera l'événement en avril 2022. Lors de la dernière séance, les apprenantes ont rédigé un rétroplanning en partant de l'évènement et en remontant jusqu'à ce mois de juillet. À présent, plus de temps à perdre, la commune doit être choisie pour la rentrée début septembre pour que soit lancé en octobre l'appel à candidature à destination des artisans qui auront pour mission de créer l’œuvre qui sera exposée pendant le symposium et de partager leurs savoir-faire lors de l’évènement.

Ces femmes, qui ont entre quarante et soixante ans, ont toutes connues des ruptures professionnelles après de nombreuses années en poste avec de grandes difficultés pour retrouver un emploi, associées, par exemple, à la place qu’a pris le numérique dans le travail. Au-delà de la question des compétences, c’est également l’expérience de la démobilisation, voire de la dévalorisation rencontrée lors de leurs tentatives de retour à l’emploi, qui les rassemble.

Pour le moment, deux communes ont manifesté leur intérêt pour accueillir le projet. Deux apprenantes, Isabelle et Sophia se sont respectivement rendues aux mairies de Baignes et de Chalais pour présenter le projet aux élu·es impliqué·es : vies économique et culturelle mais aussi services scolaires car une journée de l'événement sera dédiée à l'accueil des écoles primaires, collèges et lycées. Un des objectifs du symposium est en effet d'attiser l'intérêt des plus jeunes pour les métiers de l'artisanat. Isabelle et Sophia s'assurent que le projet a bien été compris par leurs interlocuteurs qui devront mettre à disposition le lieu et l'équipement pour accueillir les exposants et les visiteurs pendant trois jours, se rendre disponible et proposer un projet d'aménagement ou de valorisation d'un site de la commune. Ça tombe bien, la mairie de Chalais a déjà deux propositions à faire : une série d’œuvres reliant la ville basse à la ville haute ou la mise en valeur des ruisseaux qui traversent la ville avec un circuit pédagogique et artistique.

Nathalie est plus réservée malgré sa prise de notes assidue. Elle rejoint tout juste l'organisation du symposium et c'est sa première réunion. Elle pose finalement une question : « Qu'est-ce que je dois faire, dans tout ça, exactement ? Je suis un peu perdue ». Aussitôt elle est rassurée par les autres : « Nous aussi, la première fois on était perdues ; toutes ! ». Elles poursuivent en se répartissant plus précisément les tâches à faire et en rappelant les fondamentaux de leur façon de travailler : « On n'est jamais seules », « De toute manière c'est nous qui décidons comment se déroule le projet » ...

Frédéric Baunier, coordinnateur du chantier du Centre socioculturel du barbezilien, explique le fonctionnement du chantier d’insertion de Barbezieux : « 95% du travail » est réalisé par les 20 à 30 salarié·es en insertion, du semis à la livraison en passant par la récolte, le lavage, le stockage en chambre froide, la gestion des commandes, etc. Quand une nouvelle personne arrive, elle est placée en binôme avec un salarié autonome, une transmission des savoir-faire qui repose sur le faire et le mentorat. Une pédagogie qui a fait ses preuves même si beaucoup de salarié·es rencontrent toujours des freins pour la poursuite de leurs parcours. En cause, la rigidité de certains dispositifs, les difficultés de mobilité ou les représentations sur la formation elle-même. Pourtant, le chantier d'insertion est à dix minutes à pied de l'APP, et ce dernier serait en mesure de répondre aux différents besoins de formation des salarié·es : remise à niveau, préparation d'une certification, détermination ou consolidation d'un projet professionnel...

Pour s'adapter à la situation, Mohamed Berrached, formateur à l'APP s'est d'abord rendu sur place pour aller vers les bénéficiaires potentiels du projet. « Pour ne pas brusquer », l'entrée en matière choisie est plus douce qu'un démarrage de parcours au sein du centre de formation. Elle mêle culture, créativité et valorisation du travail effectué dans le cadre du chantier d'insertion, par la réalisation d’interviews et d'un film sur les salarié·es. Autre aménagement rendu possible : effectuer les ateliers de pratique réflexive sur le temps de travail pour s'assurer de la présence des participant·es.

Nouveauté pédagogique apportée par l'APP : la proposition faite aux salarié·es du dispositif Apprenant Agile permettant de valoriser les compétences polyvalentes et savoir-être mobilisés par les salarié·es au cours de leur passage sur le chantier. Ce dispositif repose sur un suivi plus fin des activités réalisées, par le prisme des compétences transversales : coopérer, agir avec méthode, communiquer, raisonner avec logique, etc. Le suivi se fonde sur la pratique réflexive, à partir de l'analyse des situations réelles vécues par les personnes. C'est le domaine d'expertise de l'APP, qui organise des séances d'ateliers collectifs tous les quinze jours, au cours desquelles chacun fait le point sur les compétences mobilisées avec ce nouveau regard sur soi et ses pairs. Les encadrants du chantier d'insertion comme de l'APP constatent les bénéfices apportés par le travail sur le développement de la confiance en soi et du rapport à l’autre, d’une prise de conscience de ses compétences transversales et d'une « posture d'apprenant ». Une perspective prometteuse pour aller plus loin et favoriser l'entrée en formation des salariés.

De son côté, Mathieu (le prénom a été modifié) s'impatiente, cela fait plusieurs mois qu'il a manifesté le souhait de passer le permis de conduire et aucune place ne s'est libérée auprès des auto-écoles du coin pour lesquelles les personnes en insertion, dont le passage du certificat n'est pas financé directement par le candidat, sont loin d'être prioritaires : « Trop de paperasse ». Une solution temporaire va être proposée par l'intermédiaire du MOSC (collectif d'associations Mobilité Ouest Sud Charente), pièce indispensable du puzzle [Re]connaissances sur ce territoire où la mobilité est un frein considérable pour la formation et l'emploi. Pour la suite, l'AAISC prévoit d'intégrer aux parcours des salariés du chantier d'insertion davantage de propositions culturelles et sportives, avec l'objectif de maintenir la pratique réflexive pour valoriser toute la richesse de leurs parcours. Cela fait plusieurs années que l'APP cherche une accroche pour l'entrée en formation de ces publics ; c'est en bonne voie.

Les jeunes de la mission locale finalisent leur projet de sculpture dans un atelier prêté par le Lycée Publique Agricole. Supervisé·es par Mohamed, Séverine Chabeauti, formatrice à l'APP et Yuk, artiste plasticien, tous les six ont imaginé, dessiné, prototypé et peint un arbre de quatre mètres de haut entièrement composé de planches qui sera exposé devant la Maison Communautaire pour l'Emploi puis dans le cadre du symposium d'artisans organisé par les apprenantes en parcours à l'APP.

Le projet a nécessité de mettre la main à la pâte pour bricoler la structure et l'ériger mais aussi de mettre en œuvre des savoirs tout autres : s'écouter et décider du design de la sculpture, prévoir sa construction et en organiser les étapes, faire les courses pour les matériaux et la peinture, etc. Bref, toute une palette de compétences transversales transférables à n'importe quelle autre situation personnelle ou professionnelle. Tout cela, les jeunes ont eu l’occasion d’en témoigner lors du dernier comité de pilotage de la région, qui finance les parcours. Un moment de fierté pour les jeunes qui n’auraient jamais imaginé en être capables quelques mois plus tôt.

Ici aussi, [Re]connaissances a apporté du lien entre les structures du territoire pour que les parcours bénéficient d’un suivi global et organique, plutôt qu’ils soient une suite d’étapes hermétiques entre elles. L’objectif est de réaliser des parcours intégrés et sans ruptures, ce que souligne Cathy Arpin qui encadre les jeunes à la Mission Locale : « Le suivi est global et les accompagnateurs sont plus à même de comprendre ce qui se joue pour chaque personne. Cela change beaucoup de choses ». Lenny, en service civique à l'Espace numérique sud Charente, est aussi sur place pour prendre des images pour un documentaire sur le projet. Malheureusement pour lui il est pris par d’autres obligations et ne pourra pas rester pour le déjeuner organisé et préparé par les jeunes.

Isabelle, directrice de l’AAISC, résume ainsi les contributions de ces acteurs pour permettre la réussite des parcours : « [Re]connaissances a permis cela : un déblocage de la situation, des passerelles, une méthodologie et le financement permettant de mettre en œuvre ce projet de territoire ». Un « projet de territoire » qui correspond aux besoins de ce dernier ainsi qu’à l’« ADN » des APP dont un des fondamentaux est l’ancrage territorial.

Visionner la vidéo réalisée sur le projet jeunes : https://www.youtube.com/watch?v=LQ2sejqLuMY

Malgré les difficultés posées par la situation sanitaire en 2020 et 2021, le projet [Re]connaissances suit son cours en sud Charente à Barbezieux et dans ses alentours. Les bénéficiaires y sont accompagné·es par les professionnel·les du territoire dans ces parcours souples et personnalisés, pour favoriser au maximum la remobilisation des personnes et éviter les ruptures, si coûteuses. Toute personne très éloignée de l’emploi, quels que soit son profil et ses difficultés, peut intégrer [Re]connaissances.

Tout au long du projet, les compétences mobilisées par les bénéficiaires seront valorisées. Un livret est utilisé pour suivre les progrès de chaque personne qui possède également son journal personnel dédié aux temps positifs de son parcours pendant lesquels la mécanique des compétences transversales s’est opérée. Ces moments, aussi appelés kairos, servent de base à l’analyse des situations d’apprentissage que mènent les bénéficiaires lors des ateliers collectifs de pratique réflexive. Les compétences sont finalement formalisées et attachées à des badges numériques, un outil conçu pour permettre à toute personne, quel que soit son parcours, d'en fixer et partager la richesse. Au bout de ce parcours se trouve la certification Apprenant Agile, symbole de la reconnaissance de tout le chemin parcouru et de la capacité des jeunes à comprendre et valoriser leurs savoir-être et savoir-faire ainsi que leur capacité à apprendre tout au long de la vie. La certification Apprenant Agile, et le dispositif du même nom sur lequel se fonde [Re]connaissances, est un objectif pour chacune des personnes engagée dans le projet.

Le projet suit également son cours sur les autres territoires de [Re]connaissances : au pays de Bray en Normandie, autour de la ville de Sète et du Bassin de Thau en Occitanie ainsi qu’à Dijon et sa banlieue.

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